L’attaque frontale contre le patrimoine culturel en Suisse a été repoussée. Comme le Conseil des Etats avant lui, le Conseil national renonce à affaiblir fortement les intérêts de la protection dans la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Cette tentative d'affaiblissement découlait d'une initiative parlementaire déposée par le conseiller aux Etats Joachim Eder. Alliance Patrimoine accueille cette décision avec une grande satisfaction.

La conservation intacte des paysages, sites et monuments d’importance nationale reste garantie. Le Conseil national a suivi le Conseil des Etats et a renoncé à la révision de l’art. 6, al. 2 de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Si l’initiative parlementaire du conseiller aux Etats Joachim Eder (PLR/ZG) avait été acceptée sur ce point, la protection des objets d’importance nationale aurait été opposée aux intérêts liés à des tâches ou à des interventions cantonales. Dans les faits, la nouvelle règlementation prévue aurait levé la protection particulière dont bénéficient nos biens culturels et nos réserves naturelles d’importance nationale. Elle aurait favorisé la destruction irrémédiable de biens culturels remarquables et de régions naturelles uniques.

Grande satisfaction
Alliance Patrimoine accueille la décision du Conseil des Etats avec une grande satisfaction. Ce résultat reflète la volonté de la population. Le patrimoine culturel est vecteur d’identité. Il crée un sentiment d’appartenance et d’attachement. Selon une enquête représentative réalisée en 2014, 95% des personnes interrogées estiment indispensable de préserver le patrimoine culturel en Suisse. Ce projet était également très contesté dans les cantons.

La décision du Conseil des Etats renforce la position de l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS). Cet inventaire unique au monde répertorie les hameaux, les villages et les villes qui racontent une part de l’histoire du pays. L’ISOS est un précieux instrument afin de développer nos sites en préservant leurs qualités, sur fond de densification, de mobilité croissante et de stratégie énergétique fédérale.

Peser les intérêts avec soin
Alliance Patrimoine déplore en revanche la décision portant sur l’art 7 LPN. La révision vise avant tout l’importance accordée aux expertises de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP). Mais la Commission fédérale des monuments historiques (CFMH) est aussi concernée. Ses membres sont nommés par le Conseil fédéral. La CFMH est en premier lieu chargée des objets fédéraux. Cependant, en pratique, des organes cantonaux (tribunaux administratifs, offices cantonaux ou leurs départements et directions) la mandatent, car ils apprécient ses avis de spécialistes et sa vision supracantonale et indépendante. Cela concerne plus de deux tiers des expertises.

L’initiative Eder demande que «l'expertise constitue une des bases» dont dispose l'autorité de décision pour la pesée des intérêts en présence: une telle approche réduit clairement les missions et les compétences des commissions.

Alliance Patrimoine est convaincue que l’affaiblissement de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage n’est pas une solution face aux actuels défis économiques, énergétiques et de planification. La solution ne peut résider que dans l’amélioration qualitative du processus de pesée des intérêts. Dans ce contexte, les expertises des deux commissions jouent un rôle capital.


Base juridique

Articles concernés de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage

Texte actuel:
Art. 6, al. 2
Lorsqu’il s’agit de l’accomplissement d’une tâche de la Confédération, la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact dans les conditions fixées par l’inventaire ne souffre d’exception, que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d’importance nationale également, s’opposent à cette conservation.

Texte dans l’avant-projet de loi:

Art. 6, al. 2
Lorsqu’il s’agit de l’accomplissement d’une tâche de la Confédération , la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact dans les conditions fixées par l’inventaire ne souffre d’exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs de la Confédération ou des cantons le justifient

Art. 7, al. 3 (nouveau)
L’expertise constitue une des bases dont dispose l’autorité de décision, qui l’inclura dans sa pesée de tous les intérêts en présence et l’appréciera.


Rétrospective

Alliance Patrimoine s'oppose résolument à l'initiative parlementaire Eder intitulée «Rôle de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage».

L’initiative parlementaire «Rôle de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage» (12.402) du conseiller aux États Joachim Eder vise à neutraliser les articles 6 et 7 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN). Elle demande que désormais les sites construits, les monuments ou les paysages inscrits aux inventaires fédéraux puissent être transformés si les intérêts publics de la Confédération ou des cantons le justifient. Jusqu’ici, un objet protégé ne pouvait être modifié que si des intérêts nationaux équivalents ou supérieurs l’exigeaient.

En outre, si l’initiative était adoptée, les expertises élaborées par la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) et par la Commission fédérale des monuments historiques (CFMH) perdraient une grande partie de leur portée. La loi actuelle prévoit que si un objet inscrit dans un inventaire fédéral risque d’être sensiblement altéré ou si une intervention soulève des questions de fond, la CFNP et la Commission fédérale des monuments historiques (CFMH) établissent une expertise. Les commissions indiquent dans cette expertise si l’objet doit être conservé intact ou de quelle manière il doit être ménagé.

Or, les inventaires fédéraux recensent des objets qui sont de véritables joyaux du patrimoine culturel et du paysage suisses, des objets d’importance nationale. Les dommages occasionnés à de tels objets sont irréparables. Il est essentiel de les protéger contre des atteintes qui pourraient leur être portées à la légère.


La révision de la LPN doit être rejetée – pourquoi ?

Les revendications de l’initiative parlementaire sont déjà mises en œuvre dans le cadre de la révision de la loi sur l’énergie.

Un affaiblissement de la protection des paysages, sites construits et monument d’importance nationale contredirait la volonté populaire.

Au lieu de conduire soi-disant à une plus grande sécurité juridique et à une meilleure efficacité, la révision proposée augmentera la bureaucratie et générera de l’insécurité juridique.

Pour les défis actuels économiques, énergétiques et de planification, il n’existe pas de solutions simples dans le sens de l’initiative parlementaire. C’est le dialogue qui permet de trouver les meilleures solutions.


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